Consignes du jeu à la Petite Fabrique d'Ecriture :
Raconter tout ce qui peut se passer quand on oublie quelque chose quelque part .
Le jour où Saint-Pierre a oublié les clés du paradis …
photo : http://www.pbase.com/image/117535561
Ciel chargé à Pearl-City , températures non grata , je décide malgré tout
de sortir et d’accompagner mes lettres pour leur voyage au bout du monde , en passant par la boîte idoine. Rien de tel que la marche pour méditer … Quelques kilomètres plus loin , envol du papillon : rendez-vous le jour de mes Cent Ans . ( C’est que j’affectionne particulièrement les chiffres ronds ! )
Je suis installée , en face de chez Saint-Pierre , au Starbucks local , en train de siroter un succédané de café : avec l’altitude , l’or noir se convertit en jus de chaussette. Bien sûr , c’est le lieu et le moment où jamais –de se convertir ! –Et certains n’auront pas leurs mi-bas imprégnés seulement de chicorée, dans la plus grande trouille qu’ils auront de leur vie !!
Mais bon . Bon an , mal an , autant s’imaginer encore un moment à une terrasse de Saint Germain Des Prés , en compagnie de quelques musiciens « jazzy » ! Car voilà : Monsieur Saint-Pierre est en froid avec ses clés !! Pas moyen de visiter et encore moins d’emménager dans mon nouveau … , voyons … , mon nouveau quoi ?? Soyons prudents : on pourrait avancer « parcelle » ? (dans le langage qui a cours ici , ne dit-on pas : « Bienheureux celui par qui … » ? Pourquoi ne dirait-on pas : «… celle par qui… » , d’où par digression confusonirique : parcelle .) Et puis , allez savoir si la promesse d’un « loft » ne recouvre pas du vent ?
Bref , revenons à nos moutons (très biblique aussi l’image ! ).Moi , dans tout ça , ça ne m’arrange PAS DU TOUT de ne pas savoir !! Et bien oui : s’il ne me fait pas rentrer au Paradis , je vais me transmuter en SCF = Sans Corps Fixe ! Coincée quelque part entre mes corps : physique , éthérique , astral que sais-je ?? C’est comme rester bloqué dans un ascenseur entre deux étages !! Vous voyez le truc ? Et puis , on dit toujours qu’il faut aller de l’avant ! , ne pas se retourner ! Si malgré tout , je jette un coup d’œil furtif –une seconde suffit—par dessus mon épaule (non mais je rêve !! mon stylo tombe en panne juste sur ce mot : les pôles …. c’est qu’il y a de quoi perdre le nord ! ) : je suis vissée au plafond de la salle d’opération , pas tout à fait partie , plus tout à fait là …
…Et je vois bien la tension qui monte dans « l’operating-theater »comme disent les English !
« AH , m… , elle pisse le sang , va falloir mettre l’turbo , cap’tain ! !! »
« Bon , Julie , ce n’est pas le moment de me montrer ce sein que je ne saurais voir !! passez-moi
les clamps , Bon Dieu ! »…
Ca vous fait quoi à vous quand vous avez l’impression de revivre ce qui est arrivé à l’ un de vos aïeux ? Mes grands parents sont tous Partis voir Saint-Pierre passé nonante , donc ,à mis parcours
Je me disais qu’il y avait encore de la marge ! Mais là , à cent ans , ça commence à friser l’indécence ! Et puis cent UN ans , ça fait désordre , on glisse vers le chaos ! Donc Feu mon Ailleule , dans ses ultimes années , a été récupérée in extremis d’une rupture d’anévrisme ! Je sentais bien là que les « FFI » (qui fait fi de quoi ?? ) , traduction : Fidélités familiales Invisibles * reprenaient du service !
J’ai donc pensé « STOP , ce n’est pas moi !! »Ni une , ni deux , j’ai profité de la confusion générale pour faire un piqué en direction de la poche de l’infirmière Julie : j’y reconnaissais une forme typique : un trousseau de clés ! Elle a bien senti qu’il se passait quelque chose et a dit à son collègue de gauche d’arrêter de la tripoter , pendant que je prenais la poudre d’escampette , sans plus de discrétion …
Je suis réapparue tout sourire , aux côtés de notre bon Saint-Pierre , et je lui ai tendu , l’air candide , mon Sésame . Il s’en est emparé, a enclenché la serrure, poussé le portail et m’a dit avec un clin d’œil : « après vous ! »
*(ref : écrits de l’excellent Dr Salomon Sellam )